De quoi parle-t-on ?

Patrick JAULENT

De nos convictions basées sur nos expériences

Qu’il s’agisse d’entreprises de fabrication de matériels informatiques comme Dell, de véhicules comme PSA ou Renault, de logiciels comme Microsoft, ou d’une société de conseil en management stratégique et opérationnel, elles ont toutes le même objectif : rester concurrentielles durablement tout en « maximisant la valeur pour l’actionnaire. »

Pour atteindre cet objectif dans le monde des affaires d’aujourd’hui, les dirigeants doivent peindre une vision du futur et aligner leurs entreprises vers un but commun. D’une manière générale, ces dirigeants ont une idée précise du but qu’ils poursuivent, par contre, ils ne savent pas s’ils vont l’atteindre. Une question les hante à chaque nouvelle stratégie : comment mettre en mouvement les acteurs de l’entreprise vers un but commun, en gérant le paradoxe des résultants à obtenir à court terme et de la vision à long terme ?

Ainsi, au début de l’histoire de l’entreprise il y a la vision, les ambitions de ses dirigeants. Où devra être l’entreprise dans 3 ans, 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans. Pour les dirigeants de l’entreprise X c’est par exemple qu’elle soit reconnue comme le leader mondial sur le marché de la téléphonie mobile, pour les dirigeants de l’entreprise Y, c’est qu’elle soit reconnue comme un acteur incontournable sur le marché de la Business Intelligence (cf. Groupe Business & Decision)

Pour atteindre ce but, les hommes et femmes qui composent l’entreprise, ceux qui la mettent en mouvement, ont besoin d’un plan, des règles du jeu. Le but est alors traduit en objectifs stratégiques. Ces objectifs expriment la stratégie : ce que veulent les dirigeants et comment ils vont l’obtenir. Naturellement, il n’est pas indispensable (et parfois souhaitable) que chaque collaborateur connaisse la stratégie dans ses moindres détails, par contre, chacun doit savoir ou et comment (je suis ici et je fais cela) il contribuera à son succès, car répétons-le, le succès d’une stratégie est l’affaire de tous. (Le succès est une conséquence et non un but. Flaubert, Gustave)

Qu’est-ce que la stratégie ?
Quand le général Carthaginois Hannibal infligea une humiliante défaite aux romains de Varron et Paul Emile le 2 août - 216 à Cannae, il fit preuve d’une stratégie militaire ambitieuse dont le but était de surprendre une armée romaine professionnelle, supérieure en effectif et en armement – résultats 50 000 romains furent tués et 10 000 prisonniers. La stratégie est associée au monde militaire depuis des milliers d’années… mais pas seulement.

Le premier exemple connu d’une stratégie appliquée « aux affaires » est celle de Socrates conseillant Nichomachides, militaire grec, lorsqu’il perdit une élection à Athènes. Ainsi, le terme stratégie tire ses racines du grec strategos, de stratos qui signifie armée et de agein pour conduire. Historiquement, la stratégie a toujours été le fait soit d’hommes politiques (Socrates, Alexandre, Hannibal, Napoléon,…) ou de militaires placés sous leur dépendance directe. Le politique est maître de la stratégie.

La distinction entre tactique et stratégie porte sur une nuance d'échelle : la tactique est l'art d'utiliser au mieux les moyens, elle concerne le domaine du combat pour les militaires et celui des thèmes ou axes stratégiques pour le business. La stratégie est une théorie, un mode de pensée : la tactique est une technique.

Qu’est-ce qu’une stratégie business en 2007 ?
Demandez à 5 personnes de votre entourage de noter sur une feuille de papier leur propre définition d’une stratégie business. Je suis prêt à parier, ma collection de timbres rares que vous aurez au moins trois définitions différentes (et probablement 4 ou 5). Ce constat est au cœur des problèmes de l’entreprise : il n’y a pas de consensus partagé sur ce qu’est réellement une stratégie business. A défaut d’obtenir le consensus nous vous proposons quelques mythes qu’il sear bon d’avoir à l’esprit chaque fois que vous parlerez stratégie.

Au cours des prochains mois, je vous ferai découvrir et réagir, au travers de ce blog, autour des six mythes qui persistent autour de la stratégie d'entreprise.
Dans quelques jours, le 1er mythe "La stratégie est l’affaire de la direction générale"...


Commentaires (13)
1. Richard Coffre le 20/09/2007 09:18
Je trouve ce billet particulièrement intéressant car il ressemble dans un contexte d'entreprise une notion qui est trop souvent attachée au domaine militaire.
Par ailleurs, la mise en lumière de la distinction entre stratégie et tactique est très utile car c'est une source de confusion courante.

Merci Patrick, j'attends le prochain billet avec impatience.
2. Dung HUA le 20/09/2007 11:13
Très intéressant à lire.

Pour ceux qui aime la stratégie, je conseille "L'art de la guerre" de Sun Tzu qui parle de stratégie militaire au Vème siècle av JC. Très rapide à lire mais tellement instructif.

Pour revenir à votre sujet, l'objectif de faire prendre conscience à chaque collaborateur que son rôle dans l'entreprise contribuera au succès de demain est l'un des principes fondamentaux des dirigeants.

"La raison d'être d'une organisation est de permettre à des gens ordinaires de faire des choses extraordinaires." (Peter F. Drucker)

Merci et à bientot.
3. Patrick Jaulent le 20/09/2007 14:53
Merci pour vos encouragements.

Vous avez raison, on ne peut donc pas s’intéresser à la stratégie sans étudier quelques stratèges militaires, notamment Napoléon, Carl Von Clausewitz, Erich Ludendorff et Sun Tzu, général chinois (VIe siècle avant J.-C.), auteur du célèbre Art de la guerre, qui a laissé cette phrase magnifique : «Remporter cent victoires en cent batailles n’est pas le comble du savoir-faire. Ce qui, donc, est de la plus haute importance dans la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans livrer bataille.»

Carl Von Clausewitz a été choisi par de nombreux gourous du management et de très nombreuses écoles de commerce nord-américaines pour développer des analogies entre les «choses militaires» et les «choses de l’entreprise». Pour ces gourous, Carl Von Clausewitz, officier prussien, est considéré comme le père de la stratégie moderne.

Après avoir participé aux guerres de Révolution et du premier Empire,
il devient en 1818 le directeur de l’Académie de guerre de Berlin et
entame une période de réflexion théorique qui l’amèna à écrire son
oeuvre principale en dix volumes, Vom Kriege («De la guerre»), publiée
en 1833.

Clausewitz fonde une science de l’action militaire tout en allant bien
au-delà. Il extrait la stratégie du cadre strictement militaire; il souligne
qu’un conflit réel intègre tout — populations armées ou non, politique,
économie — et que ce conflit ne peut être compris et mené à bien que
par une synthèse des différents plans de combat. Clausewitz explique
surtout que les buts militaires dans la guerre sont étroitement soumis
aux buts politiques de la guerre. Il en ressort deux idées maîtresses : le
principe d’anéantissement et la suprématie de la volonté politique sur
l’instrument militaire.

Je pense toutefois que l’entreprise n’est pas une caserne et que
le marché n’est nullement un champ de bataille où les salariés obéissants iraient harceler les concurrents (parfois les clients), fouiller les poubelles, etc. Il est donc inapproprié d’utiliser le langage militaire
(plan de bataille…) dans une méthodologie de management. La guerre
est un acte de violence dont le but est de contraindre son adversaire à
exécuter notre volonté. Clausewitz, avec sa célèbre maxime «la guerre
est la poursuite de la politique par d’autres moyens», nous dit ce que
doit être la guerre et non ce qu’elle est.
4. Didier Pawlak le 22/09/2007 10:36
Article très intéressant. La réussite ne dépend pas d'une ou plusieurs personnes. Elle est l'affaire de tous les collaborateurs de l'entreprise quelque que soit le niveau d'engagement. C'est ensemble que nous réussissons.
le succès d'une stratégie est l'affaire de tous = à écrire en lettres capitales dans les halls d'entrée des entreprises.

Merci et à bientôt
5. Patrick Jaulent le 22/09/2007 11:06
Je suis en parfait accord avec vous Didier, ce sera d'aiileurs l'objet du premier "Mythe" que je vous proposerai prochainement
6. Ourliac Gérald le 25/09/2007 09:37
Je suis moi aussi en parfait accord avec vous et dans ce sens je distingue le stratège et le manager :
- A mon sens le stratège doit avoir une vision extrêmement aigue sur les mouvements futurs des différents environnements de l'entreprise afin de pouvoir transformer des menaces en opportunité et des faiblesses en atout.
C'est pour cela qu'il est important (à mon sens) de soit se faire accompagner, soit de créer dans les entreprises des comités de réflexion stratégique intégrant même des acteurs externes.

Un outil stratégique intéressant consiste à déterminer la fonction précise des produits ou services de l'entreprise afin de savoir quelles sont ses forces, faiblesses et qui seront les concurrents de demain.

- C'est au manager qu'incombe la transformation de stratégie en actions et la déclinaison des actions en d'indicateurs.
7. Stefan le 25/09/2007 22:10
Stratégie vs Tactique ou la synérgie organisationnelle à l'épreuve.

Tout à fait d'accord qu'un stratége doit être un visionnaire. Dans un monde de plus en plus concurrentiel une seule "arme" demeure efficiente : l'innovation. Que ce soit dans le domaine technique ou dans le domaine du management.

Par contre, un bon stratége ne peut pas mettre en pratique ces innovations et idées tout seul. Pour ce faire, il a besoin d'une équipe tout comme Napoléon avait besoin de ses généraux. Des généraux qui puissent comprendre les objectifs et qui soient capables de suivre les ordres tout en rectifiant le tir sur le champs de bataille avec leur capacité de traduire ces objectifs en actions concrétes et en allouant les ressources nécessaires à leur acomplissement.

On peut imaginer ces généraux en directeurs opérationnels avec leurs objectifs, moyens et autonomies.

Mail quel est le facteur décisif du succès de l'ensemble? Comment contenir des dérives stratégiques ( impossibilité de mettre en pratique) ou des dérives opérationnelles ( décorrelation des objectifs opérationnels avec la stratégie globale ).

Comme disait Patrick , trop d'information nuit à l'information. Trop de KPI nuit à la performance. Il faut savoir discerner l'essentiel au fil des itérations et de l'expérience.

Une seule réponse fiable à ce jour : l'alignement de l'opérationnel sur le stratégique. Et un seul moyen pour ce faire : l'efficience organisationnelle. Avec une responsabilité bien définie, mesurable et articulée à chaque niveau hiérarchique/fonctionnel/géographique etc.

Les décisions seront toujours humaines.

Côté outils business intelligence permettant de mettre en pratique cette démarche dans votre organisation , en voici un :

http://www.actuate.com/products/performance-management/metrics-management/key-features.asp

8. Eric Barrat le 27/09/2007 15:42
Excellente initiative, c'est toujours un grand plaisir de voir toute l'énergie et tout le talent que tu mets à communiquer tes convictions dans le management de la performance

Un commentaire global sur le programme que tu proposes et les diférents thèmes que tu souhaites aborder pour que l'on puisse échanger.

Derrière tous ces outils (planification stratégique, KPI, BSC, Six Sigma,...), il y a la volonté de définir puis de mettre en oeuvre les orientations stratégiques de l'organisation et de piloter l'atteinte ou non de cette vision à moyen terme de l'entreprise.

Il existe un modèle européen (que tu connais bien), un guide de management qui a été développé à la fin des années 80 pour permettre aux entreprises européennes d'être compétitives face aux USA et à l'Asie: EFQM (European Fundation for Quality Management). Ce modèle est l'intégrateur parfait de tous ces outils pour leur donner du sens, créer une émulation avec des notions comme l'entreprise apprenante et l'amélioration continue et créer une dynamique avec le benchmarking (se comparer aux meilleurs et surtout être le meilleur sur les thèmes liés aux KPI de l'organisation !!).

L'EFQM est très développé en Europe. La france a enfin cette année aligné les prix français qualité avec les prix Européens EFQM.

Depuis 12 ans, seulement 10 organisations ont obtenu une reconnaissance européeenne de premier plan (European Excellence Award)

Penses-tu et pensez-vous que ce sujet pourrait intéresser les membres de ce blog

Au plaisir de vous lire

Eric
9. Patrick Jaulent le 27/09/2007 16:51
Bonjour Eric, c'est toujours un réel plaisir d'échanger avec toi sur le thèmes de la performance. Naturellement, le modèle EFQM est le bienvenu dans ces échanges.

La maturité de ton "organisation" (que je te laisse le soin d'identifier) devrait intéresser les membres de ce blog.

A bientôt Eric.

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Vous avez raison d’écrire chers membres, que la stratégie est le moyen de réaliser la vision, l’ambition du dirigeant de l’organisation (le décideur). L’analyse stratégique est l’outil méthodologique qui aide à formaliser la stratégie. Cette analyse consiste, à répondre d’une manière pragmatique à une série de questions sur les éléments externes et internes à l’organisation :

- Quelles sont les menaces, les opportunités, les forces et les faiblesses de l’organisation (cf. matrice SWOT)
- Les « clients » et les « parties prenantes » ont-ils des attentes particulières
- ETC.

Les réponses à ces question permettront d’identifier les facteurs clés de succès de la stratégie. La stratégie traduit ainsi la vision du décideur. Elle va donner du sens aux objectifs prioritaires pour les prochaines années (3 ans, 5 ans, 10, 15 ans..).

Nous aurons l’occasion d’y revenir.
10. Annonier sylvain le 28/09/2007 13:31
Patrick , c'est très intéressant de voir à quel point il n'existe pas de véritable culture sur ce sujet, seulement des avis d'experts ou gourous en tous genres. Pour ma part, toutes les techniques de gestion de performances basées sur des systèmes de gestion de données plus ou moins sophistiqués ne supportent que "l'auto-contrôle" qu'on veut bien leur donner.
Demain , l'employé ou le cadre sera un citoyen du monde avec sa propre appréhension de la performance ( pas celle de son entreprise) mais celle d'une communauté à laquelle il s'identifie avec ses collègues.
Encore beaucoup de chemin en perspective..........
11. Patrick Jaulent le 30/09/2007 09:48
Sylvain, il n’y a pas que des avis de gourous en tous genre pour reprendre votre expression : il y a vous et moi et c’est ainsi que la culture se diffuse dans les organisations. C’est vrai à l’école (le prof et l’élève), c’est également vrai dans l’entreprise (le chef de projet et le développeur, …).

Vous avez toutefois raison de souligner que le pilotage de la performance est souvent abordé sous l’angle du contrôle. Nous y reviendrons dans des prochains billets
12. Patrick Jaulent le 04/12/2007 16:07
La vision est universelle

La stratégie est orientale (Chinoise ...)

La tactique est occidentale.

Qu'en pensez-vous ?
13. Arnaud GASCARD le 08/12/2007 12:32
Le sujet est passionnant mais vaste et demanderait une érudition certaine pour y répondre complètement.
Je vous propose néanmoins deux prismes de réflexion.

Le premier presque philosophique : car si la vision est universelle, elle n'est pas une, et peut donner ses lettres de noblesses à la stratégie ou à la tactique.
Dans un monde monothéiste (l'occidental depuis plusieurs siècles), la vision vient d"en haut", des règles sont données et le champ de l'action de l'homme se réduit à la tactique. La voie, c'est le salut. Même lorsque les sociétés deviennent laiques, cette philosophie reste ancrée et la force reste donnée au droit. Dans le monde "romain", le droit est immanent et découle de principes; dans le monde anglo-saxon, le droit est plus coutumier et orienté jurisprudence mais la force et la puissance viennent du droit. Je pense par exemple à l'OMC ou aux règles internationales de comptabilité, s'il fallait transposer.
Dans un monde de religion "laique" (oriental), la voie reste dans le libre-arbitre, la stratégie reste du domaine de l'homme.
Dans le monde occidental où il faut chercher la salut, le but est donné, la stratégie est dictée par Dieu. Dans le monde Oriental, chacun doit trouver sa voie, son but, être stratège. Tout cela semble bien lointain historiquement pour nos sociétés actuelles, mais nos schémas de pensée en sont imprégnés.

Un second prisme plus historique : l'histoire de la pensée militaire montre que la stratégie se développe dans des époques de forte pression ou contrainte. Les premiers grands écrits apparaissent au même moment en Occident et en Orient, 4 à 5 siècles avJC. En Macédoine (construction d'un empire à partir des royaumes morcellés) et en Chine (les guerres des Royaumes). Ensuite, la pensée stratégique chinoise stagne : le grand Empire ne connait plus de pression suffisante pour devoir renouveller sa pensée stratégique. Tandis que dans l'Europe en guerres incessantes, la stratégie devient une science.
Si l'on transpose cela à la pensée de stratégie d'entreprise, le fait que le Japon ait du se reconstruire après la Seconde guerre mondiale peut être éclairant. Il s'agissait pour le Japon d'exister, donc d'une forte pression (trouver la voie qui leur permettrait d'exister, d'où des besoins stratégiques). Tandis qu'au même moment, il s'agissait pour les entreprises occidentales de prospérer ensemble (accumuler de la richesse selon des principes largement théorisées et la tactique suffit).


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