Pourquoi créons-nous des hiérarchies alors que nous crions haut et fort ne pas en vouloir ?

Patrick JAULENT

Lorsque vous créez une organisation, il est important de réfléchir à la structure qui servira au mieux vos objectifs (les objectifs de l’organisation). Cela peut paraitre paradoxal, mais nous créons des hiérarchies pour rendre notre vie plus facile et c’est grâce à cette hiérarchie que nous nous aimons plus !

Je me souviens d’une série d’expériences auxquelles je me suis volontairement prêté, avec d’autres étudiants, à Stanford.

1. La première expérience s’appuyait sur des expériences antérieures démontrant que les traits du visage humain sont un baromètre de la position hiérarchique actuelle et future. L’expérience fût menée à partir de l’annuaire de West Point sur 104 photos réparties en 4 séries. Tous les signes militaires furent naturellement retirés. Le principe était simple, chaque fois qu’un étudiant identifiait un visage « humain » il notait « H » sur un clavier et lorsqu’il identifiait un « animal » (terme choisi pour désigner un hiérarchique !) il notait « A. » Les résultats de cette expérience montrèrent que les étudiants réagissaient plus rapidement lorsqu’il s’agit d’un visage « dominant » par rapport à un visage « soumis ». Les spécialistes appellent cela la « condition hiérarchique. » La première expérience montra clairement que les relations hiérarchiques sont plus faciles lorsque des personnes ne sont pas sur le même pied d’égalité.

2. Dans la seconde expérience, trois schémas furent proposés aux étudiants. Le premier schéma montrait clairement une structure de pouvoir, vous savez le genre de râteau hiérarchique que l’on voit dans certain manuel : un nom en haut, puis deux noms directement sous ce premier nom, et deux autres sur chacun d’eux. Le deuxième schéma montrait des noms liés dans un cercle, sans hiérarchie apparente, et le troisième schéma un groupe avec une structure aléatoire sans définition claire de ce qui est en haut ou en bas. Chaque étudiant regarde un schéma pendant 7 secondes et doit ensuite le reproduire. S’il est capable de le faire sans se tromper l’expérience s’arrête, dans le cas contraire il consulte de nouveau le schéma pendant 7 secondes et ceci jusqu’à sa reproduction parfaite. Comme le pensaient les chercheurs, les étudiants avaient retenus le schéma hiérarchique en moins de temps que les deux autres schémas. Ils précisèrent également qu’ils préféraient le schéma hiérarchique aux deux autres. Cette deuxième expérience montra que les personnes ont plus de facilité à se souvenir des relations hiérarchiques que des relations égalitaires, et donc à aimer davantage les premières. Nous n’aimons pas ce que nous ne pouvons pas nous rappeler facilement.

3. Lors de la troisième expérience, les chercheurs demandèrent aux étudiants de comparer la « hiérarchie » et « l’égalité » dans des relations de « pouvoir » et « d’amitié ». Ils demandèrent de mémoriser une série de liens entre quatre hommes : « Donne des ordres à » ; « Prend les ordres de » ; « est favorable à » et « « est hostile à ». Les chercheurs démontrèrent ce qu’ils pensaient, à savoir que nous mémorisons plus rapidement des connexions illustrant une « asymétrie » ou une « hiérarchie » et plus difficilement la « symétrie » ou « l’égalité. Par exemple, la symétrie d’un « ordre » rend les relations difficiles (les personnes pouvant donner des ordres aux mêmes personnes qui leur ont donné les ordres est extrêmement difficile). Cette troisième expérience a encore démontré que nous préférons la hiérarchie à l'égalité.

4. La quatrième expérience visait à déterminer si le niveau de hiérarchie au sein d'une organisation pouvait influencer l'opinion d'un observateur extérieur de celle-ci. Lors de cette expérience les étudiants étaient invités à lire des documents et à formuler des recommandations pour une entreprise fictive dont les objectifs étaient « réduire les effectifs de 10 % », « supprimer progressivement l’agence de New-York » et « augmenter le nombre de femmes dans les postes de direction. » Les étudiants disposaient sur leur ordinateur portable d’informations concernant cette société fictive, telles que le nom des employés, leur sexe, leur âge et leur performance, ainsi que des organigrammes montrant leurs positions et leur entité de rattachement (Mr. Galveston, 38 ans, responsable des ventes au sein de l’agence du Texas, performance individuelle « satisfaisante »). Après avoir formulés les recommandations, les étudiants devaient classer sur une échelle de 1 à 7 avec quelle facilité ils trouvèrent des informations sur la société fictive ainsi que leur point de vue général sur l’entreprise. Comme l’avaient prévu les chercheurs, les étudiants qui avaient abordés l’analyse de la société et les recommandations sous l’aspect hiérarchique avaient trouvé la tâche plus facile à réaliser et avaient exprimés un point de vue beaucoup plus positif sur celle-ci et ses employés.

5. Dans la dernière expérience, les chercheurs ont tenté de déterminer si le sexe d’un individu dans une hiérarchie influe sur la facilité dans le travail. Les étudiants de cette étude ont été invités à mémoriser l'un des quatre schémas : deux contenaient les visages des sept hommes et les deux autres schémas de sept femmes. Chaque paire a été organisée dans un cadre hiérarchique traditionnel 1-2-4, mais avec la même personne en haut de la hiérarchie. L’objectif était de mémoriser le plus rapidement les différentes hiérarchies. Les résultats ont montré que les hiérarchies de sexe masculin sont plus facilement mémorisables que les hiérarchies de sexe féminin. Et là encore, les étudiants ont eu une nette préférence pour ce qu’ils ont appris facilement.

Les structures hiérarchiques facilitent les relations, car elles sont facilement mémorisables, prévisibles et familières comme la relation « parent-enfant ». Les organisations désireuses de supprimer ou de réduire la hiérarchie, comme cela semble être la tendance, doivent être prêtes à la remplacer par quelque chose d'autre : Juste se débarrasser de l'organigramme peut créer des problèmes. Par contre nous avons besoin de plus de clarté dans la structure hiérarchique : pas de titre ronflant.

Les entreprises les plus performantes sont celles qui possèdent un équilibre entre « hiérarchie » et « égalité. »



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